
En résumé :
- La planification financière n’est pas une contrainte, mais l’art de dessiner une carte pour atteindre vos destinations de vie (retraite, projets, sécurité).
- Le choix entre REER et CELI au Québec dépend de votre revenu actuel et futur; ce ne sont pas des compétiteurs mais des véhicules financiers pour des trajets différents.
- Anticiper les imprévus (fonds d’urgence) et préparer sa succession (testament), même jeune, sont les fondations qui assurent la solidité de tout votre parcours.
- Votre stratégie d’investissement doit évoluer avec vous, comme les saisons, en s’adaptant à chaque étape de votre vie pour équilibrer croissance et sécurité.
Pour un jeune adulte au Québec, penser à la retraite ou aux études des futurs enfants ressemble souvent à regarder une montagne lointaine, enveloppée de brouillard. On entend les conseils habituels : « faites un budget », « épargnez tôt », « mettez de l’argent dans un REER ». Ces recommandations, bien que justes, sont souvent perçues comme des corvées, des privations qui nous empêchent de profiter du présent. On se sent rapidement dépassé par un jargon financier qui semble conçu pour les experts, et on repousse l’exercice à plus tard, quand on aura « plus de temps » ou « plus d’argent ».
Mais si la véritable clé n’était pas de voir la finance comme une liste de tâches à cocher, mais plutôt comme l’acte de dessiner la carte de votre propre vie ? Imaginez que votre existence soit un grand voyage. Vos rêves — acheter une maison à Rosemont, lancer votre entreprise, voyager, offrir de belles études à vos enfants, vivre une retraite confortable au bord d’un lac — ne sont pas des objectifs abstraits, mais des destinations fascinantes. La planification financière devient alors votre boussole et votre carnet de route. Il ne s’agit plus de se priver, mais de tracer l’itinéraire le plus intelligent et le plus serein pour atteindre chaque destination, en choisissant le bon véhicule financier pour chaque étape du trajet.
Cet article n’est pas un manuel de comptabilité. C’est un guide pour vous aider à devenir l’architecte de votre avenir financier. Nous allons transformer ensemble cette montagne intimidante en une série d’étapes claires et motivantes. Vous apprendrez à calculer vos véritables besoins, à choisir les bons outils d’épargne québécois, à protéger vos proches et à adapter votre stratégie à chaque saison de votre vie. Préparez-vous à prendre le crayon et à dessiner la carte qui vous mènera vers la vie que vous désirez vraiment.
Alors que la planification financière est essentielle, elle doit tenir compte des réalités économiques actuelles. La vidéo suivante aborde la crise du logement, un enjeu majeur qui impacte directement la capacité d’épargne et les projets des jeunes adultes, soulignant l’urgence d’une stratégie financière robuste.
Pour vous guider dans cette démarche, nous avons structuré ce guide comme une feuille de route. Chaque section est une étape clé de votre voyage, vous donnant les outils et les connaissances pour avancer avec confiance vers vos destinations de vie.
Sommaire : Votre itinéraire financier étape par étape
- De combien aurez-vous vraiment besoin à la retraite ? (le calcul simple qui change tout)
- REER ou CELI ? le guide ultime pour choisir le bon compte pour votre argent
- Offrez un avenir à vos enfants sans sacrifier le vôtre : le guide du REEE
- La planification financière, ce n’est pas que pour les beaux jours : comment vous protéger des coups durs
- Préparer sa succession (même si vous n’avez que 30 ans) : pourquoi c’est un cadeau à faire à vos proches
- Prendre sa retraite à 60, 65 ou 70 ans ? la décision qui peut changer votre vie (et votre revenu)
- Votre portefeuille doit évoluer avec vous : comment adapter votre répartition à chaque étape de la vie
- La retraite n’est pas une fin, c’est un projet : le guide pour préparer la plus belle étape de votre vie
De combien aurez-vous vraiment besoin à la retraite ? (le calcul simple qui change tout)
La première destination sur notre carte financière, et souvent la plus intimidante, est la retraite. On imagine des millions de dollars, un chiffre si grand qu’il en devient paralysant. Oublions les chiffres abstraits et commençons par une question simple : de quel revenu annuel aurez-vous besoin pour vivre confortablement ? La plupart des experts s’accordent sur un ratio : vous devriez viser entre 50 % et 70 % de votre revenu annuel brut avant la retraite. Pourquoi pas 100 % ? Parce que plusieurs de vos plus grosses dépenses auront disparu : l’hypothèque sera probablement payée, vous ne cotiserez plus au REER, à la RRQ ou à l’assurance-emploi, et les dépenses liées aux enfants auront diminué.
Ce chiffre peut sembler plus accessible, mais il faut le mettre en perspective. Au Canada, des données récentes montrent que le revenu médian après impôt des familles de personnes aînées était de 74 200 $ en 2022. Ce montant ne sort pas de nulle part; il est le fruit d’une accumulation sur plusieurs décennies. Pour y voir plus clair, il faut décomposer vos futures sources de revenus. Celles-ci reposeront sur trois piliers : les régimes publics (Sécurité de la vieillesse et Régie des rentes du Québec), les régimes de retraite de votre employeur (si vous en avez un), et enfin, votre épargne personnelle (REER, CELI, etc.). C’est ce dernier pilier que vous contrôlez entièrement, et c’est lui qui fera la différence entre une retraite de subsistance et une retraite épanouie.
Le véritable exercice n’est donc pas de viser un chiffre magique, mais de comprendre le style de vie que vous souhaitez. Voulez-vous voyager six mois par an ou jardiner tranquillement à la maison ? Chaque « destination de vie » a un coût. Le calcul de vos besoins est la première étape pour transformer un rêve vague en un objectif chiffré et, surtout, atteignable. C’est le point de départ de votre carte.
Une fois ce montant cible défini, la question devient : comment l’accumuler efficacement ? Cela nous mène directement au choix des bons véhicules financiers.
REER ou CELI ? le guide ultime pour choisir le bon compte pour votre argent
Une fois votre destination « retraite » esquissée sur la carte, il faut choisir le bon véhicule pour vous y rendre. Au Québec, les deux options les plus populaires sont le Régime enregistré d’épargne-retraite (REER) et le Compte d’épargne libre d’impôt (CELI). La plus grande erreur est de les voir comme des compétiteurs. Ce sont deux véhicules aux mécaniques très différentes, conçus pour des étapes différentes de votre voyage financier. Comprendre leur fonctionnement est crucial pour optimiser votre itinéraire.
Le REER est comme une voiture qui vous offre un avantage immédiat : chaque dollar que vous y déposez réduit votre revenu imposable aujourd’hui. C’est un formidable outil si vous avez un revenu élevé, car le retour d’impôt peut être substantiel. Cependant, cet argent sera imposé lorsque vous le retirerez à la retraite. Le CELI, lui, fonctionne à l’inverse. Vous y déposez de l’argent après impôt, sans avantage fiscal immédiat. Mais sa magie opère à la sortie : tous les retraits, incluant les gains, sont 100 % libres d’impôt. De plus, il offre une flexibilité totale, car vous pouvez retirer des fonds à tout moment sans pénalité et reconstituer vos droits de cotisation l’année suivante.

Alors, lequel choisir quand on a 30 ans ? La réponse dépend de votre « boussole de vie » : vos revenus actuels et futurs. Si votre taux d’imposition est bas aujourd’hui mais que vous anticipez des revenus plus élevés plus tard, le CELI est souvent plus judicieux. Vous profiterez de la croissance à l’abri de l’impôt lorsque votre taux marginal sera plus élevé. Inversement, si vous êtes déjà dans une tranche d’imposition élevée, le REER et son retour d’impôt sont très attractifs.
Pour mieux visualiser l’arbitrage, ce tableau comparatif résume les points essentiels pour un résident du Québec.
| Critère | REER | CELI |
|---|---|---|
| Déduction fiscale | Oui, réduit le revenu imposable | Non |
| Imposition au retrait | Oui, taux marginal | Non, libre d’impôt |
| Plafond 2024 | 31 560 ou 18% du revenu | 7 000 annuel |
| Report des droits | Oui | Oui |
| Âge limite cotisation | 71 ans | Aucune |
| Idéal si | Taux imposition élevé (27%+) | Flexibilité ou revenus futurs élevés |
Étude de cas : Le dilemme du premier acheteur montréalais
Un couple montréalais avec un revenu combiné de 65 000 $ souhaite acheter une propriété. Avec le Régime d’accession à la propriété (RAP), ils peuvent retirer jusqu’à 35 000 $ chacun de leur REER sans impôt, mais devront le rembourser sur 15 ans. Une alternative est d’épargner cette mise de fonds dans un CELI. L’avantage ? Les retraits sont flexibles, sans aucune obligation de remboursement. Face à un marché immobilier imprévisible comme celui de Montréal, cette flexibilité peut être un atout majeur pour saisir une opportunité rapidement, sans la contrainte d’un plan de remboursement strict.
Souvent, la meilleure stratégie n’est pas de choisir l’un ou l’autre, mais d’utiliser les deux en synergie, en fonction de vos différentes destinations de vie.
Offrez un avenir à vos enfants sans sacrifier le vôtre : le guide du REEE
Une autre destination majeure sur la carte de vie de nombreux jeunes adultes est l’avenir de leurs enfants. Le Régime enregistré d’épargne-études (REEE) est le véhicule par excellence pour cette partie du voyage. C’est l’un des outils d’épargne les plus puissants au Canada, grâce à un carburant exceptionnel : les subventions gouvernementales. Pensez-y comme un programme de points de récompense pour votre épargne : pour chaque dollar que vous investissez, les gouvernements fédéral et québécois ajoutent de l’argent directement dans le compte.
Le mécanisme est simple et incroyablement efficace. Pour une cotisation annuelle de 2 500 $, vous recevez une subvention de base de 30 %, soit 750 $ (500 $ du fédéral et 250 $ du Québec). C’est un rendement instantané et garanti de 30 %, avant même que votre argent ne commence à générer des intérêts. Au total, en maximisant les cotisations, vous pouvez recevoir jusqu’à 12 800 $ en subventions par enfant, selon les programmes gouvernementaux québécois et fédéraux. C’est un cadeau immense pour financer les études postsecondaires, qui peuvent coûter des dizaines de milliers de dollars.
Toutefois, une erreur commune est de vouloir sur-financer le REEE au détriment de sa propre sécurité financière. Il est essentiel de suivre un ordre de priorité logique. Avant de maximiser le REEE, assurez-vous d’avoir un fonds d’urgence solide (nous y reviendrons). Ensuite, si votre employeur offre une contribution de contrepartie à votre REER, c’est une priorité absolue. C’est de l’argent gratuit, un rendement de 100 % que vous ne devez jamais laisser sur la table. Une fois ces deux bases assurées, cotisez au REEE jusqu’à atteindre le montant qui maximise les subventions (2 500 $/an). L’argent supplémentaire peut ensuite être dirigé vers votre REER personnel ou votre CELI. Sacrifier sa propre retraite pour les études de ses enfants peut créer une pression financière sur eux plus tard. Le meilleur cadeau que vous puissiez leur faire est un avenir éducatif solide et votre propre indépendance financière.
En planifiant cet itinéraire, vous assurez non seulement leur envol, mais aussi votre propre tranquillité d’esprit pour les années à venir.
La planification financière, ce n’est pas que pour les beaux jours : comment vous protéger des coups durs
Une carte de voyage n’indique pas seulement les destinations ensoleillées; elle doit aussi prévoir les zones de tempête. En planification financière, ces tempêtes sont les imprévus : une perte d’emploi, une maladie, une réparation urgente sur la voiture ou la maison. Sans un plan de protection, un simple coup dur peut faire dérailler tout votre itinéraire et vous forcer à piger dans vos investissements à long terme, sabotant ainsi des années d’efforts. La première ligne de défense est le fonds d’urgence.
Le fonds d’urgence est une somme d’argent mise de côté, facilement accessible, qui doit couvrir 3 à 6 mois de dépenses essentielles. Ce n’est pas un investissement; c’est une assurance. Son but n’est pas de générer du rendement, mais d’être liquide et disponible. Pour la plupart des jeunes ménages, cela peut sembler une somme colossale, mais il est crucial de la constituer. Des analyses suggèrent qu’un montant idéal se situe entre 15 000 $ et 25 000 $ pour un ménage montréalais moyen, couvrant le loyer, le transport, l’épicerie et les factures. Commencez petit, en automatisant un virement de 50 $ ou 100 $ par paie. L’important est de commencer à construire ce rempart.

Au-delà du fonds d’urgence, il faut aussi penser aux assurances : assurance-vie, invalidité, maladies graves. Si vous avez des personnes à charge (conjoint, enfants) ou une hypothèque, l’assurance-vie n’est pas une option, c’est une nécessité. L’assurance invalidité est peut-être la plus sous-estimée : à 30 ans, vous avez statistiquement beaucoup plus de risques de devenir invalide pour une période prolongée que de décéder. Votre capacité à générer un revenu est votre plus grand actif; il faut le protéger. Ces protections sont le parapluie et l’imperméable de votre voyage financier. Vous espérez ne jamais avoir à les utiliser, mais vous êtes bien content de les avoir quand l’orage éclate.
Étude de cas : L’impact financier du congé parental au Québec
Le Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) est généreux, offrant jusqu’à 75% du revenu. Cependant, une baisse de 25% des revenus pendant un an peut rapidement éroder l’épargne. Pour une famille montréalaise avec un revenu combiné de 80 000 $, cela représente près de 1 667 $ de moins par mois. Une solution proactive est d’utiliser le fonds d’urgence pour combler ce manque. En prévoyant d’épargner environ 10 000 $ spécifiquement pour cette période avant la naissance, le couple peut vivre cette étape importante sans stress financier, protégeant ainsi leurs investissements à long terme.
Cette sécurité financière vous permet non seulement de faire face aux tempêtes, mais aussi de penser sereinement à la transmission de votre patrimoine.
Préparer sa succession (même si vous n’avez que 30 ans) : pourquoi c’est un cadeau à faire à vos proches
La succession. Ce mot évoque des images de cheveux gris et de notaires solennels. À 30 ans, y penser semble prématuré, voire morbide. Pourtant, c’est l’une des étapes les plus importantes et les plus négligées de la carte financière d’un jeune adulte. Préparer sa succession n’est pas un acte égoïste; c’est un cadeau inestimable que vous faites à vos proches. C’est leur éviter un casse-tête administratif et émotionnel monumental dans un moment de grande vulnérabilité.
Au Québec, les règles sont strictes et peuvent surprendre. Une idée reçue particulièrement dangereuse concerne les conjoints de fait. Beaucoup pensent qu’après quelques années de vie commune, ils ont les mêmes droits que les couples mariés. C’est faux. Comme le martèle la Chambre des notaires du Québec, cette réalité juridique est brutale et sans appel.
Sans testament au Québec, les conjoints de fait n’héritent de RIEN selon le Code civil, peu importe la durée de la relation
– Chambre des notaires du Québec, Guide sur la planification successorale 2024
Cette simple phrase devrait être un signal d’alarme. Sans testament, si vous êtes en couple non marié, vos biens iront à vos parents ou à vos frères et sœurs, laissant votre partenaire de vie sans rien. Le testament n’est donc pas un luxe, c’est un document essentiel pour que vos volontés soient respectées. Un autre document crucial est le mandat de protection en cas d’inaptitude. Il désigne une personne de confiance pour prendre des décisions à votre place si un accident ou une maladie vous en empêchait. Sans ce mandat, vos proches devraient passer par un long et coûteux processus judiciaire pour obtenir la tutelle.
Ces documents ne sont pas gravés dans le marbre. Ils doivent évoluer avec votre vie. Un mariage, la naissance d’un enfant, un divorce, l’achat d’une propriété sont autant d’événements qui devraient vous inciter à réviser votre testament et votre mandat. Pensez-y comme une mise à jour de votre carte de voyage : vous ne laisseriez pas un ancien itinéraire vous guider après avoir changé de destination.
Votre liste de vérification pour une tranquillité d’esprit
- Points de contact : Listez les documents de protection essentiels que vous possédez ou non (testament, mandat de protection, directives médicales).
- Collecte : Rassemblez les informations sur vos actifs, incluant les actifs numériques (comptes en ligne, cryptomonnaies, mots de passe) dans un endroit sécurisé.
- Cohérence : Confrontez vos documents actuels (ou leur absence) à votre situation de vie (conjoint de fait, enfant, propriété). Vos volontés sont-elles clairement protégées ?
- Mémorabilité/émotion : Imaginez l’impact pour vos proches si quelque chose arrivait demain. L’absence de ces documents créerait-elle du chaos ou de la clarté ?
- Plan d’intégration : Prenez rendez-vous avec un notaire pour rédiger ou mettre à jour les documents manquants. C’est une dépense unique pour une paix d’esprit durable.
Cet acte de prévoyance assure une transmission fluide et vous permet de vous concentrer sur les autres grandes décisions de votre parcours, comme le moment idéal pour la retraite.
Prendre sa retraite à 60, 65 ou 70 ans ? la décision qui peut changer votre vie (et votre revenu)
Sur notre carte financière, l’âge de la retraite n’est pas un point fixe, mais une zone flexible que vous pouvez décider de rejoindre plus tôt ou plus tard. La décision de prendre sa retraite à 60, 65 ou 70 ans a des conséquences profondes non seulement sur votre style de vie, mais surtout sur le montant de vos revenus pour le reste de votre existence. Comprendre l’impact de ce choix est fondamental pour bien planifier votre dernière grande étape professionnelle.
Au Québec, l’âge « normal » pour demander sa rente de retraite de la RRQ est de 65 ans. Cependant, vous pouvez la demander dès 60 ans, mais avec une pénalité significative : votre rente sera réduite de 0,6 % pour chaque mois d’anticipation, soit une réduction maximale de 36 % à 60 ans. À l’inverse, si vous décidez de retarder votre demande après 65 ans, votre rente est bonifiée. Selon les paramètres actuels, on observe une augmentation de 8,4% par année de report après 65 ans, pouvant atteindre une bonification maximale de 42 % si vous attendez jusqu’à 70 ans. Cette différence est colossale et viagère, c’est-à-dire qu’elle s’appliquera jusqu’à votre décès.
Le choix n’est donc pas anodin. Partir plus tôt signifie moins de revenus, mais plus d’années en bonne santé pour en profiter. Partir plus tard signifie un revenu de retraite beaucoup plus confortable, mais potentiellement moins d’années pour réaliser vos projets. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse, seulement une décision qui doit être alignée avec votre « boussole de vie » : votre état de santé, votre espérance de vie, vos projets de retraite et votre tolérance au risque. Si vous avez une excellente épargne personnelle et que votre rêve est de faire le tour du monde à 62 ans, anticiper votre retraite peut être le bon choix. Si, au contraire, vous aimez votre travail et que votre épargne est plus modeste, travailler jusqu’à 67 ou 70 ans peut garantir une sécurité financière bien plus grande.
Étude de cas : Le choix de Sylvie (60 ans) vs Marc (70 ans)
Imaginons deux personnes ayant droit à une rente RRQ de 1 000 $ par mois à 65 ans. Sylvie décide de prendre sa retraite à 60 ans; sa rente est réduite de 36 %, elle touchera donc 640 $ par mois. Marc, en pleine forme et passionné par son travail, attend jusqu’à 70 ans; sa rente est bonifiée de 42 %, il touchera 1 420 $ par mois. Sur une période de 20 ans de retraite (de 70 à 90 ans), Marc aura reçu plus de 80 000 $ de plus que Sylvie de la part de la RRQ. Cependant, Sylvie aura profité de dix années de liberté supplémentaires. Le calcul n’est pas que financier, il est aussi un arbitrage de temps et de qualité de vie.
Peu importe l’âge choisi, la performance de votre portefeuille d’épargne jouera un rôle tout aussi crucial dans votre confort futur.
Votre portefeuille doit évoluer avec vous : comment adapter votre répartition à chaque étape de la vie
Votre carte financière n’est pas statique; elle doit s’adapter aux différentes saisons de votre vie. De la même manière, votre portefeuille d’investissement ne peut pas rester le même à 30, 50 et 70 ans. La répartition de vos actifs — c’est-à-dire la proportion d’actions, d’obligations et d’autres types de placements — doit évoluer pour refléter votre horizon de temps, votre tolérance au risque et vos objectifs. C’est ce qu’on appelle la gestion du cycle de vie de l’investissement.
Lorsque vous êtes jeune (20-35 ans), votre plus grand atout est le temps. Vous avez des décennies devant vous pour récupérer des baisses de marché. Votre portefeuille peut donc être plus agressif, avec une forte pondération en actions (environ 80 %), qui offrent un potentiel de croissance plus élevé à long terme. À mesure que vous approchez de la mi-carrière (35-50 ans), vous commencez à sécuriser une partie de vos gains en augmentant la part des obligations, des placements plus stables. À l’approche de la retraite (50-65 ans), la préservation du capital devient prioritaire. La part des actions diminue au profit des obligations et des liquidités pour éviter qu’une chute de la bourse ne vienne amputer votre pécule juste avant le grand départ. Enfin, à la retraite, le portefeuille se concentre sur la génération de revenus stables, souvent via des actions à dividendes et des obligations.

Cette évolution doit aussi tenir compte de la fiscalité québécoise. Il n’est pas seulement question de *quoi* détenir, mais de *où* le détenir. Par exemple, les actions de sociétés étrangères sont souvent plus avantageuses fiscalement dans un REER, tandis que les actions canadiennes versant des dividendes peuvent être très efficaces dans un compte non enregistré grâce au crédit d’impôt. Le CELI, lui, est parfait pour les placements à fort potentiel de croissance, car tous les gains seront non imposables. Les fonds de travailleurs comme le Fonds de solidarité FTQ ou Fondaction sont quant à eux spécifiquement conçus pour le REER, offrant d’importants crédits d’impôt provinciaux et fédéraux.
Voici une proposition d’évolution de portefeuille typique, à ajuster selon votre profil :
- 20-35 ans : 80 % actions (FNB canadiens/internationaux), 20 % obligations.
- 35-50 ans : 70 % actions, 20 % obligations, 10 % alternatifs (ex: Fonds FTQ).
- 50-65 ans : 60 % actions, 30 % obligations, 10 % liquidités.
- 65+ ans : 40 % actions à dividendes, 40 % obligations, 20 % liquidités/CPG.
Le tableau suivant illustre où placer idéalement certains types d’actifs pour optimiser la fiscalité au Québec.
| Type d’actif | CELI | REER | Non-enregistré |
|---|---|---|---|
| Actions croissance | Excellent | Très bon | Moins optimal |
| Obligations | Bon | Excellent | Moins bon |
| Actions dividendes canadiens | Bon | Bon | Très bon (crédit d’impôt) |
| FNB étrangers | Bon | Excellent | Moins optimal |
| Fonds FTQ/Fondaction | N/A | Excellent (30% crédit) | N/A |
Cette gestion dynamique vous mènera en douceur vers votre destination finale : une retraite confortable et bien planifiée.
À retenir
- Votre plan financier est une carte de vie : définissez vos destinations (objectifs) avant de choisir vos véhicules (REER, CELI).
- Le choix entre REER et CELI est stratégique : il dépend de votre revenu actuel par rapport à votre revenu futur anticipé. Ce n’est pas un choix unique, mais un équilibre à ajuster.
- La protection est le fondement de tout plan : un fonds d’urgence et des documents de succession (testament, mandat) sont les actions non négociables à poser, même à 30 ans.
La retraite n’est pas une fin, c’est un projet : le guide pour préparer la plus belle étape de votre vie
Nous arrivons au terme de notre voyage de planification. Vous avez dessiné votre carte, choisi vos véhicules financiers, sécurisé votre parcours contre les tempêtes et adapté votre itinéraire aux saisons de la vie. La destination « retraite » n’est plus une montagne brumeuse, mais un objectif clair à l’horizon. Il est maintenant temps de voir cette étape non pas comme une fin, mais comme un projet en soi : le projet de vivre les plus belles années de votre vie, avec les moyens que vous vous êtes donnés.
La dernière grande question stratégique concerne le décaissement : dans quel ordre allez-vous utiliser votre argent une fois à la retraite ? Cette décision est aussi importante que la phase d’accumulation, car une stratégie de décaissement optimale peut vous faire économiser des milliers de dollars en impôts et faire durer votre capital plus longtemps. La logique est de préserver le plus longtemps possible les comptes les plus avantageux fiscalement. Comme le souligne l’Institut québécois de planification financière, il existe une hiérarchie à respecter.
La stratégie de décaissement optimale : d’abord les comptes non enregistrés, puis REER/FERR, et garder le CELI pour la fin afin de maximiser la croissance libre d’impôt
– Institut québécois de planification financière, Guide de la retraite 2024
En retirant d’abord de vos comptes non enregistrés, vous payez l’impôt sur les gains en capital, souvent à un taux plus faible. Ensuite, vous puisez dans vos REER (transformés en FERR), ce qui augmentera votre revenu imposable et pourrait affecter vos prestations gouvernementales. En gardant le CELI pour la fin, vous laissez cet argent croître à l’abri de l’impôt le plus longtemps possible, et les retraits n’auront aucun impact sur votre revenu imposable ni sur vos prestations comme la Sécurité de la vieillesse. C’est votre réserve stratégique, votre atout ultime pour les projets de fin de retraite ou les imprévus.
La planification financière peut sembler complexe, mais en la ramenant à cette métaphore du voyage, tout devient plus simple. La première étape de votre grand voyage financier commence maintenant. Prenez le temps de dessiner votre propre carte pour naviguer vers vos destinations de vie avec confiance et sérénité.